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Photo du rédacteurEmilie et Ophélie

Le mystère de Jean Gourvil

Octobre 2023.

La matinée promet d'être belle. Par la fenêtre ouverte, une odeur d'herbe fraichement coupée se diffuse discrètement dans le salon. Dehors, il fait encore beau et chaud mais déjà, un petit quelque chose a changé, annonçant les prémices de l'automne. Les couleurs ne sont plus aussi vives, elles se teintent discrètement de douceur, de cuivré et de rose.

Assise devant un tas de documents qui s'amoncellent sur la table, je machouille distraitement le bout de mon stylo. Je ne me suis pas aperçue que c'est déjà la troisième fois que Les moulins de mon cœur grésille en boucle sur le vieux tourne-disque.

Je n'ai pas remarqué non plus qu'un rayon de soleil est venu caresser un des actes devant moi, mettant en lumière le nom de deux jeunes mariés. Le signe d'un mariage heureux ? Heureux je ne saurais le dire, mais fructueux il n'y a pas de doute : 13 enfants nés de leur union, rien que ça !

Je m'étire et réfléchis. Un exemple. Il me faut un exemple pour illustrer la partie de mon cours à venir sur les disparus et prisonniers de guerre...


C'est comme cela, en cherchant un exemple, que j'ai croisé la route de Jean Gourvil...


Hum. A première vue, il a plutôt l'air d'avoir vécu une vie sans gros heurt ce Jean Gourvil. Né en 1876, il n'a pas connu la guerre de 1870. Peut-être la première Guerre Mondiale alors ? A cette époque, il avait "déjà" 40 ans, était marié et père de jeunes enfants. De plus, si l'on en croit les informations de son registre matricule, il n'y a rien à signaler de particulier. Enfin les informations... L'absence d'information plutôt. A part y apprendre qu'il était marin et qu'il a été libéré du service militaire le 10 novembre 1925, on ne sait pas grand-chose d'autre. Libéré en 1925, il a donc à priori survécu à la guerre. A ce stade là, ce n'est pas vraiment l'exemple que je recherche pour mon cours : il n'est ni disparu ni prisonnier, ni même décédé à la guerre. Tant mieux pour lui me direz vous !


Source : Archives départementales Finistère



Sauf que...

Sauf que parfois, il faut quand même continuer à fouiller. Juste au cas où. Et dans le cas de Jean Gourvil, il y a un hic. Un gros hic même. S'il a été libéré en 1925, comment se fait-il que son nom apparaisse dans les archives de la Croix Rouge, dans les listes des prisonniers ? Peut-être n'a t'il pas eu une vie si tranquille que ça finalement...



24 novembre 1916.

Jean Gourvil se trouve à Gibraltar. Il embarque comme Second-Maître artificier sur le Suffren, cuirassé français construit à Brest. Ce jour-là, le navire et son équipage composé d'un peu plus de 700 hommes prennent la mer direction Lorient.



Le Suffren



Pourtant, les jours passent et le Suffren tarde à arriver à bon port. Sans nouvelle du navire, une enquête est alors ouverte et les familles, dont l'épouse de Jean, attendent des réponses. Où sont leurs maris, leurs frères et leurs fils ? Malheureusement, les conclusions de l'enquête ne sont pas celles espérées. Le navire et ses occupants n'arriveront jamais à destination. Et pour cause : deux jours seulement après être parti, le 26 novembre, alors que le Suffren est au large de Lisbonne, il est torpillé par un sous-marin allemand et coule avec son équipage.

Pour les familles, il faut se rendre à l'évidence : les recherches ne donnent aucun résultat et le 13 juillet 1917, Jean Gourvil est déclaré, comme l'ensemble des passagers du Suffren, "perdu corps et biens" par le tribunal de Brest.



Source : Archives de la Croix Rouge




Source : Mémoire des Hommes



Jean Gourvil fait parti de la longue liste des hommes morts pour la France lors de la Première Guerre Mondiale. S'en tenir seulement aux informations de son registre militaire ne lui aurait finalement pas rendu justice... Heureusement, il existe d'autres moyens de retracer la vie militaire de nos ancêtres...




Emilie

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