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  • Photo du rédacteurEmilie et Ophélie

V comme... Vie de journalière

Aujourd'hui, par ce froid mercredi de novembre, je vous emmène dans un lieu que j'ai déjà évoqué à plusieurs reprises dans ce Challenge : la Vendée. Mon histoire commence 216 ans en arrière... Nous sommes alors à Antigny, en Vendée, où un heureux évènement se prépare. En ce 10 brumaire an 13 (soit le 1er novembre 1804), Charles FERRET traverse le village d'un pas vif. Plongé dans ses pensées, il ne prête guère attention à la lumière dorée de l'automne qui semble pourtant envelopper le village de douceur. Le jeune homme ne s'attarde pas plus sur l'odeur de feux de cheminée qui embaume les alentours. Soucieux, le visage baissé, il répond à peine à son voisin qui le salue de grands gestes de la main. Ses pas l'ont emmené jusqu'au seuil de sa maison. Charles s'y arrête net et relève la tête, entendant les cris de sa femme. Il n'ose pas entrer, les naissances étant affaire de femmes. Heureusement, la voix emplie de douleur de son épouse est bientôt suivie d'un pleur déchirant mais plein de vie. Leur enfant vient de naître. En ce 10 brumaire an 13, la petite Marie Louise, fille de Charles FERRET et de Jeanne COLON fait enfin connaissance avec ses parents, après neuf mois bien au chaud à entendre leurs voix.

A la naissance de Marie Louise, Charles et Jeanne sont tous deux journaliers. Ouvriers agricoles, ils travaillent ainsi aux champs à la journée. Le statut du journalier correspond à celui du manœuvre et il loue ses bras et sa force de travail à qui en a besoin, comme par exemple à un propriétaire terrien.

Son enfance, Marie Louise la passe auprès de sa famille : ses parents, ses frères et sœurs (Marie, Mathurin, Hillaire, Julie) mais aussi d'autres parents, comme son oncle Mathurin, son épouse et leurs enfants (les cousins de Marie Louise donc). Marie Louise quitte le foyer familial quelques années avant son mariage, sûrement en vue de se constituer une dot, en prévision d'une future union. Si tel est bien le cas, alors les choses ont l'air de s'être déroulées comme elle l'avait prévu.

Le 24 juin 1833, Marie Louise épouse Pierre COUE dans le village de son enfance, à Antigny. Les parents de la jeune femme sont présents au mariage et donnent leur consentement. Après toutes ses années, son père est toujours journalier. Tout comme celui du jeune époux... Et tout comme Marie Louise elle-même. Entre Pierre et Marie Louise, il n'y a pas grande différence de statut social et si leur maigre instruction scolaire ne leur permet pas de savoir lire et écrire, ils n'en rechignent pas moins à la tâche. Le jeune homme travaille comme domestique, désireux lui aussi de s'assurer un pécule convenable pour fonder une famille. Leur famille justement, le jeune couple va commencer à l'agrandir rapidement. Dès le mois de novembre 1834, Marie Louise met au monde une petite fille, Julie Louise. Pierre, jeune papa, est à présent journalier comme son épouse. La boucle est bouclée, ce métier est définitivement une histoire de famille. Habitant à Antigny près de la famille de Marie Louise, le couple jongle entre le travail aux champs et les enfants à s'occuper. Depuis le 30 avril 1837, la petite Julie Louise a accueilli son petit-frère, Jacques Honoré. Puis à nouveau trois ans plus tard (le couple est assez régulier question calendrier : leurs enfants se suivent tous de trois ans plus ou moins), en janvier 1840, Marie Louise accouche chez elle, comme pour tous ses enfants. C'est une fille, répondant au doux nom de Marie Rose. Nouveau et dernier carnet rose en novembre 1842 avec la naissance de Françoise Augustine.

Les années passent et la famille ne change ni de lieu de vie, ni de métier. Mathurin, le frère de Marie Louise, vit près d'eux et exerce le même métier, cherchant comme eux jour après jour des propriétaires demandeurs d'ouvriers pouvant travailler à leur service. En 1846, la fille aînée de Pierre et Marie Louise ne vit plus avec eux : comme son père avant elle, elle est désormais domestique pour une famille du village. Julie Louise est alors âgée de 12 ans. Pendant des années, elle continue de veiller à la bonne tenue de la maison d'autres familles que la sienne, allant d'un foyer à l'autre au gré des besoins. Domestique, elle le reste jusqu'à son mariage avec Jean Baptiste THIBAULT en 1863. Charles et Marie Louise sont ce jour là présents aux côtés de leur fille qui déjà affiche un petit vendre arrondi. Julie Louise est enceinte de 4 mois le jour de son mariage et Charles et Marie Louise s'apprêtent à devenir grands-parents. Leurs petit-enfants, le couple les voit grandir. Julie Louise et sa famille restent vivre à Antigny, tout comme sa sœur Marie Rose, dont l'époux est lui-aussi journalier. Toute sa vie, Marie Louise la passe dans les champs, entourée de sa famille, instants réconfortants malgré ses dures journées de labeur.

25 février 1873. Il est 4h, le village encore endormi n'apprendra la nouvelle qu'au petit matin. Aujourd'hui, Marie Louise n'ira pas aux champs. Celle qui hier encore travaillait comme journalière aux côtés de son époux, s'est éteinte. Ce sont ses deux gendres (Jean-Baptiste THIBAULT époux de Julie Louise et Charles PAILLAT époux de Marie Rose) qui se rendent à la mairie pour déclarer le décès de Marie Louise, alors âgée de 68 ans. Pierre lui survit deux ans. Il décède le 30 avril 1875 et comme son épouse avant lui, ce sont ses deux gendres qui font état de la triste nouvelle. Edition d'Emilie




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