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  • Photo du rédacteurEmilie et Ophélie

Tout a malheureusement une fin !

Dernière mise à jour : 3 déc. 2019

Les couples doivent faire face à la mort. La mortalité reste importante de l’Ancien Régime au début du XXe siècle. Un sujet difficile mais qu’il est inévitable d’aborder. Comment nos familles se préparaient-elles et vivaient-elles la disparition d’un être cher ? Quelles sources vont nous permettre d’en apprendre davantage ?


Se préparer à la mort


La manière de faire face à la mort est influencée par l’Eglise. On s’y prépare notamment pour recevoir les derniers sacrements. Dans les actes de sépultures sont parfois indiqués les derniers sacrements que le défunt a reçus. Quand la personne sent ses derniers jours arriver, elle fait appel au prêtre afin que celui-ci vienne la bénir en lui mettant de l’huile sur le front et en imposant ses mains. Le malade reçoit ainsi la force du Christ qui l’accompagnera dans ses derniers moments. Ce sacrement est appelé sacrement des malades ou extrême-onction. Le 26 octobre 1742 décède mon aïeule Magdelene Marie Magis. Cette dernière a reçu « le viatique et l’extrême-onction ». Face à une mort toute proche l’Eucharistie est donnée en viatique, c’est-à-dire l’ultime communion que reçoit le malade avant de mourir. Le viatique est un rite où le mourant reçoit pain et vin consacrés. Le mourant est accompagné dans son passage de la vie terrestre à la vie éternelle. Vous trouverez dans les registres de catholicité pour le XIXe et XXe siècles des informations dans les actes d’obsèques religieuses (à demander au diocèse ou à consulter aux archives départementales). Elisabeth Corral a reçu les sacrements de « Pénitence d’Eucharistie et d’extrême-onction ».


Les préparatifs passent également par la rédaction des dernières volontés au travers du testament. Passé devant le notaire, il ne règle pas que les questions de succession. On y consigne ses souhaits pour le repos de son âme comme le nombre de messe que l’on souhaite, le lieu où l’on souhaite être enterré etc…


De son vivant le couple peut prévoir certaines dispositions comme la donation entre époux. Le 26 mai 1877, mes ancêtres sont passés devant un notaire pour établir cette donation. Jean Azéma a fait donation entre vifs (personnes vivantes) à son épouse « d’un quart en toute propriété et d’un autre quart en toute jouissance…» de tous les biens meubles et immeubles. Les biens du donateur reviennent ainsi au bénéficiaire. Une autre partie concerne les dispositions prises si Jean Azéma survivait à sa femme.


Bien que nos aïeux s’y préparent, il arrive que la mort survienne plus tôt que prévu.


Quand la mort survient


La mort frappe à n’importe quel âge. La mortalité infantile (avant 1 an) et juvénile ( de 1 an à 5 ans) demeurent importantes. Beaucoup de nourrissons n’atteignent pas leur premier anniversaire. Le rang de la naissance ainsi que la taille de la fratrie jouent un rôle dans cette surmortalité.


Du côté de mon grand-père paternel, on peut dire que c’était « treize à la douzaine ». Mon arrière-grand-mère Blanche Adrienne Diard a mis au monde 13 enfants. Le 20 janvier 1923, elle obtient une médaille de bronze pour famille nombreuse, déjà 6 enfants. Emilie traitera des familles nombreuses dans son prochain article à la lettre X. Je n’avais pas compris jusqu’à une période assez récente pourquoi mon grand-père ne m’avait pas parlé de tous ses frères et sœurs. Grâce à la réception des actes de la ville de Grand-Quevilly (Seine-Maritime) que je remercie grandement, j’ai pu avoir le fin mot de l’histoire. Sur les 13 naissances, seulement 8 ont survécu. Les 5 autres n’ont pas atteint l’âge d’un an. Celui qui a vécu le plus longtemps est mon grand-père. Tous les autres sont morts bien avant ma naissance.


Jusqu’à l’âge de 15 ans les risques restent importants. Passé son 15e anniversaire, un individu peut espérer atteindre la vieillesse. L’entrée dans la cinquantaine est à nouveau source de risque. Les femmes quant à elles sont touchées par une surmortalité entre 25 et 39 ans du fait des risques aux accouchements.


Certains de mes ancêtres ont vécu longtemps comme Marthe Angély qui est morte à l’âge de 90 ans en 1811. La « number one » reste ma grand-mère maternelle, elle était âgée de 98 ans.


La mort survient en général à la maison. Noélie Héris dont je vous ai déjà parlé dans mon article « Où es-tu Noélie » est décédée chez elle au 29 rue Moulinié. Elle y est recensée la même année avec ses deux enfants.


Quelquefois les décès ont lieu à l’hôpital. C’était le lieu pour les plus démunis et ceux qui n’avaient plus de famille. Miguel Hermenegildo Corral est décédé « audit hôtel Dieu » de Bordeaux en 1840, comme il est précisé dans son acte de décès. Blaise Monteil son gendre décède lui aussi en 1877 à l’hôpital Saint-André. La série H-dépôt aux AD de la Gironde permettra de savoir à quelle date il y est rentré. Il existe un répertoire des entrées et sorties, un autre pour les décès par année. Un acte de décès est automatiquement dressé par l’hôpital en plus de celui habituel que vous trouvez dans l’état civil. Si votre ancêtre est mort à l’hôpital, vous pouvez ainsi poursuivre vos recherches.


Les causes de la mort sont rarement évoquées dans les actes de décès mais il y a quelques exceptions. Les causes peuvent être naturelles comme c’est le cas pour mon aïeul Jean Laville qui a dû faire une crise cardiaque. Ce dernier a été « trouvé mort dans un chemin se trouvant au bout de la pièce de Monsieur Lapeyre et près de la propriété du défunt […] comme le constate le procès-verbal transmis à Monsieur le Procureur ». Les recherches seront ainsi à poursuivre dans la série M, des rapports de police et procès-verbaux permettront peut-être d’en connaître davantage, s’ils ont été conservés. Jean était alors âgé de 88 ans.


Les causes peuvent être accidentelles. Un jugement du tribunal peut ainsi vous fournir des renseignements, tel est le cas pour Edouard Henriot Gaury mon arrière-grand-père. Selon le jugement du tribunal civil de Libourne (série 3 U), Edouard est décédé des suites d’un accident de travail. Il a été trouvé gisant sur le sol. Il est tombé d’une faucheuse mécanique. Il a été transporté chez lui où il est mort rapidement. Le docteur Boisseau a fait un examen qui a conclu à une hémorragie cérébrale.


La mort peut être volontaire, tel fut le cas pour mon AAGP Jean Gabriel Gaudeboeuf. Vous pourrez le découvrir dans l’article qui lui est dédié, intitulé « l’Horrible destin de… ». Seul les registres de catholicité m’ont permis d’en avoir la preuve.


Et puis viennent les décès lors des combats et guerres. Pour la Première Guerre Mondiale ainsi que pour la Seconde je vous invite à vous rendre sur le site Mémoire des Hommes.


Soyez donc attentifs à ces différents actes.


La mort est survenue, maintenant, il faut préparer le mort afin qu’il reçoive les visites à son domicile. Des chandelles sont allumées, on recouvre les miroirs, les tableaux et on arrête les horloges. Le temps est suspendu. Vient alors le temps de la veillée où l’on prie pour l’âme du défunt. Elisabeth Corral a ainsi reçu la visite de son fils Alfred Gaudeboeuf. Peut-être déjà averti qu’elle était mourante, Alfred s’est rendu au chevet de sa mère puis a assisté à la veillée. Alfred Gaudeboeuf apparaît comme témoin dans l’acte de décès de sa mère. Ce dernier réside à Nantes. Il a fait 346 kilomètres pour être aux côtés de sa mère et l’assister jusqu’à la fin. L’autre témoin se trouve être Jean Gabriel Gaudeboeuf, son autre fils.


L’acte de décès demeure important car la famille fait souvent partie des témoins.


Une fois la veillée achevée, c’est l’heure du départ pour l’église. Les obsèques religieuses sont célébrées le plus souvent le lendemain du décès. Le corps du défunt est ensuite inhumé le jour même des obsèques ou le lendemain. Les actes d’inhumations des cimetières qui sont classés par ordre chronologique vous permettront d’en connaître la date exacte. Parfois l’inhumation se fait plusieurs jours plus tard pour des raisons climatiques. Tel fut le cas pour mon AGP, Jean Marie Georges René Gimel. Ce dernier est décédé au mois de mars mais comme la terre était gelée il a dû attendre que la terre dégèle pour être inhumé. Le témoignage de mon grand-père m’a permis de le savoir.


Les plus modestes peuvent être enterrés à même le sol. Ils sont simplement recouverts d’un linceul. Ils sont transportés dans un cercueil de leur lieu de domicile à leur demeure éternelle, le cimetière. Magdeleine Marie Magis quant à elle « a été ensevelie dans l’église » d’Apchon (Cantal). Les archives des cimetières vous permettront de localiser les fosses et caveaux où ont été enterrés vos ancêtres. La majorité des ancêtres bordelais que j’ai recherché au cimetière de la Chartreuse (sous-série 1634 I) ont été inhumés dans des fosses. La sœur d’Elisabeth Corral et son beau-frère possédaient une concession funéraire.


Le cortège funèbre est constitué de la famille, des amis et des voisins qui accompagnent le défunt.


Faire face au deuil


Après l’inhumation, il faut respecter des règles de conduite et des codes vestimentaires. Le deuil est ainsi un rituel. Sa durée varie en fonction du lien de parenté avec le défunt. Il fallait porter des couleurs sombres ou s’habiller en noir. Une veuve doit porter le deuil durant deux année. Pour un homme, c’est réduit à un an tout comme pour le décès des pères et mères. Pour les grands-parents et les frères ou sœurs ; il faudra compter 6 mois. A ce rythme on peut passer sa vie entière à porter le deuil. Ce fut le cas de ma grand-mère paternelle qui depuis la mort de sa mère a toujours été habillée en noir jusqu’à la fin de sa vie. Pour les enfants, on suit l’élan de son cœur.


De 1791 à 1950, les décès sont également enregistrés dans la série 3 Q . Cette série vous apportera d’autres renseignements concernant vos ancêtres décédés. Prenons l’exemple de mon ancêtre Jean Azéma décédé le 28 mars 1893 à Libourne. Je sélectionne le bureau de Libourne puis je coche la table de succession et absences. Je rajoute l’année pour avoir le volume correspondant à son décès.



Tables des mutations par décès de Jean Azéma et Jean Laville


Les informations qu’on aura seront les suivantes, elles sont établies par colonne : nom, prénom, profession, âge, date du décès, état matrimonial, prénom de l’époux, nom des héritiers, désignations sommaires des biens, désignation des procès-verbaux ou inventaire de la succession, date des déclarations des successions, date de certificat et les observations. Pour certains de mes ancêtres je n’ai pas de mention de déclaration, la recherche s’arrête donc là.


Pour Jean Azéma au contraire, j’ai la mention d’une date et d’un numéro. Par conséquent, je me mets en quête des déclarations de mutations par décès. Les déclarations sont faites plusieurs mois après le décès, pour Jean, elle a lieu 5 mois après. Au numéro 78, je trouve la succession directe et entre époux de Jean Azéma. On y trouve les noms de ses successeurs ainsi que le lieu de résidence. Les estimations de ses biens meubles et immeubles ainsi que la part qui revient à ses descendants et à sa femme. C’est un acte fort intéressant qui m’apprend notamment que mes ancêtres possédaient des vignes sur Saint-Emilion.


A cela s’ajoutent les mentions à la marge qui sont des références à d’autres actes. J’ai ainsi « 52 c 551 » il s’agit du volume 52 et de la case 551. Cela fait référence au répertoire des enregistrements et déclarations pour servir à la recherche des droits. Je découvre des informations complémentaires concernant les acquisitions et ventes faites par Jean dont un jardin et une prairie sur Libourne.


Autres sources utiles : les inventaires après-décès. Il s’agit d’un acte notarié qui dresse la liste des objets et des biens possédés ( mais aussi papiers, animaux) par le défunt. Cela peut être fait quelques mois ou quelques années après le décès. C’est une source intéressante mais toutes les familles n’y avaient pas recours.


Quels étaient les sentiments de nos ancêtres face à la perte des êtres chers ?


Certains pensent que la peine était ressentie moins douloureusement qu’aujourd’hui, mais des écrits du for privé permettent de remettre cela en question. Il n’y avait pas d’indifférence face à la perte d’un enfant. Ils se résignaient face aux nombreuses pertes. Pour certaines familles pauvres, cela pouvait être un soulagement face aux nombreuses bouches à nourrir. Ils étaient très affligés par tout ces décès et ils trouvaient le réconfort dans les prières et en se rendant à la messe.


Blanche Marie Gaudeboeuf mon AGM a perdu son père alors qu’elle n’avait pas deux ans. Puis en 1911 à l’âge de 17 ans, c’est au tour de sa mère Noélie Héris. En 1937, âgée de 43 ans, elle perd son mari Edouard Henriot Gaury. Là s’en est trop et face à cette mort accidentelle, elle décide de se révolter et de demander réparation au patron de son mari. Malheureusement, elle n’obtient pas gain de cause auprès du tribunal civil de Libourne. Elle n’arrive pas à surmonter ce deuil. Décidément le sort s’acharne, la guerre lui prend son fils en 1940. Le chagrin est tel que ses cheveux blanchissent d’un seul coup. Son fils est inhumé à Bouchain dans le Nord. Elle demande la restitution du corps de son fils qui ne lui est rendu qu’en 1953 lors d’une cérémonie officielle en l’honneur des morts pour la France. Mon oncle maternel âgé de 9 ans à l’époque, s’en souvient encore. Les cercueils avaient été exposés à la salle des pompiers située rue Jean Jaurès et ils étaient veillés par des militaires armés. Il en avait été profondément marqué.


Cortège funèbre passant dans la rue Jean Jaurès, Libourne. Cachée derrière le soldat, Blanche Gaudeboeuf (veuve Gaury) entourée d’une amie, mon grand-père maternel, sa belle-sœur Gaury et ses neveux….


Cimetière de Quinault, Libourne, cérémonie en hommage aux soldats morts pour la France.


Elle reçoit le soutien de ses amis par des lettres qui lui sont adressées. En voici deux extraits :


La première écrite par Mme Dupuy Leroux, « je retourne avec vous à Bouchain … où j’ai vu qu’en effet dans nos champs de blés fleurissent les trois couleurs puisque parmi les bleuets et les marguerites, le sang vermeil de votre fils avait coulé… J’ai compris alors tout le sacrifice, toute la douleur d’une mère frappée dans sa chair pour sa vie. La vie a été dure pour vous ma chère Blanche, vous qui avez bien lutté, accepté et combattu. J’ai compris toute l’étendue de vos épreuves ».


La seconde fut envoyée par Henri Mourens, sergent-chef de la 32e compagnie d’instruction et ami de son fils, « Je comprends votre grande peine […] et prierons pour lui, pauvre cher petit. Recevez […] toute notre profonde sympathie dans votre grand deuil ».


Les correspondances peuvent nous permettre d’en savoir plus sur la façon de gérer le deuil de nos ancêtres. Mais toutes les familles n’ont pas conservé de telles correspondances et il fallait qu’ils sachent écrire.

Mon AGM était écrasée de chagrin par la mort de son fils. En allant rendre visite à son frère, elle apprend par sa belle-sœur que celui-ci est mort et enterré depuis plus d’un an. Quelle terrible nouvelle ! Quelle détresse ! Elle subit un nouveau choc émotionnel. Mon AGM a eu de la rancœur contre sa belle-sœur du fait de ne pas l’avoir tenu informé. Ma grand-mère fut elle aussi très offusquée de l’attitude de sa tante d’autant plus que son oncle était aussi son parrain. La famille a été affectée par la mort de plusieurs êtres chers.


Edition d’Ophélie

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