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Photo du rédacteurEmilie et Ophélie

Unions brisées : Un héritage sentimental douloureux

Dans la famille Labbé-Azéma, l’amour est synonyme de peine. Trois femmes, trois unions brisées. Deux générations de femmes blessées. Mais que s’est-il passé ?


Gabrielle Célina Labbé et sa benjamine Andrée Gabrielle Azéma demandent le divorce. Mais pour quelles raisons ? Pour sa cadette, c’est la mort de son mari Jean Marie Georges René Gimel qui vient rompre l’harmonie du foyer. Elle se retrouve veuve.


Après avoir évoqué les séparations au siècle des Lumières dans un article précédent, je vais maintenant évoquer les divorces au XXe siècle.


Le divorce est autorisé de nouveau à partir de 1884 (loi Naquet).


A partir de 1897, vous trouverez les mentions des divorces en marge des actes de mariage. Bien que j’avais connaissance du divorce de mon AAGM Gabrielle Célina Labbé, c’est la mention dans son acte de mariage qui me permit d’en connaître la date exacte. Il est ainsi indiqué « suivant jugement rendu par le tribunal civil de Libourne, le 17 décembre 1903 […] le mariage ci-contre a été dissous par l’effet du divorce ».


En 1939, ces mentions apparaissent également en marge des actes de naissance. Ce qui fut le cas pour mon grand-père paternel. On a la mention de son premier mariage en 1938, la date de dissolution en 1949 et la date de son second mariage en 1954.


Si la personne se marie et divorce plusieurs fois, je vous laisse imaginer la longueur des mentions dans la marge.


Vous trouverez ensuite en série 3U les jugements des tribunaux de première instance. Les volumes sont classés par ordre chronologique. Il n’y a pas de tables pour vous repérer, c’est pour cela qu’il est important de connaître la date exacte du divorce et bien entendu les noms des parties. Vous ne pourrez malheureusement pas consulter le dossier en entier, mais, vous aurez accès au jugement du divorce rendu par le tribunal. La série U est très intéressante. Je vous invite à feuilleter le volume en entier, car, contrairement à ce que l’on pense nos ancêtres avaient plus souvent recours à la justice qu’on ne le pense et au détour d’un acte on peut retrouver un procès d’un autre ancêtre, ce qui m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois.


Maintenant, je vais vous conter l’histoire de Gabrielle Célina Labbé et de celle de sa fille.

Gabrielle Célina Labbé


Le 18 janvier 1888, Célina épouse Jean Azéma. Jean est plutôt joli garçon et a une bonne situation. Le couple vit plusieurs années sur Blois.


De cette union naitront trois filles : Henriette Alphonsine en 1888, Yvonne Jeanne en 1889 (mon AGM) et Andrée Gabrielle en 1893. Le couple déménage ensuite sur Libourne là où vivent les parents de Jean. En 1903, Gabrielle demande le divorce. Elle dénonce le fait que Jean l’ait abandonné avec trois enfants à charge. De plus Jean est introuvable, « actuellement sans domicile ni lieu de résidence connus en France ». Mais cela ne s’arrête pas là puisque l’abandon revêt un caractère injurieux. Jean Azéma a quitté sa femme pour une autre avec laquelle il entretenait des relations intimes. Le jugement ne mentionne pas le nom de cette personne mais je sais par le témoignage de ma famille que Jean est partie avec la bonne.


La femme peut demander le divorce pour cause d’adultère de son mari selon l’article 230 du Code civil. Ce motif n’était pas envisageable pour une séparation au XVIIIe siècle comme je vous l’ai expliqué dans mon précédent article.


Le jugement du tribunal civil de Libourne prononce le divorce aux torts et griefs du mari après avoir mené une enquête. Jean Azéma perd tous ses avantages et la garde de ses trois filles. Il est tenu de contribuer à l’éducation de ses enfants. Mais ce n’est pas son souci puisqu’il est partie avec la bonne.


L’acte de divorce n’apparaîtra pas sur les registres d’état civil de Libourne. Pourquoi ? Plusieurs articles ont été modifiées en 1886 dont l’article 251 et 252. Le jugement est transcrit désormais sur les registres de l’état civil du lieu où le mariage a été célébré. L’acte se retrouve par conséquent sur les registres de la ville de Blois. La transcription est faite au nom de la partie qui a obtenu le divorce.


Gabrielle Célina Labbé peut depuis la loi du 6 février 1893 reprendre son nom de jeune fille. Gabrielle devient donc une femme divorcée. Je suis sûre que vous aimeriez savoir où est passé ce coureur de jupons ! Jean Azéma s’est installé avec sa maîtresse et il est décédé à Levallois-Perret (92). Il a mis une distance de 580 kilomètres entre sa femme, ses enfants et lui.


La malédiction poursuit son œuvre, c’est au tour de sa fille de demander le divorce.


Andrée Gabrielle Azéma


Le 14 août 1920, Andrée se marie avec Fernand Louge. Le bonheur est de courte durée puisqu’en 1921 elle demande le divorce. Quels sont les faits qui la pousse à une telle décision ? Le 26 février 1921, Andrée accuse son mari de maltraitance. Elle est autorisée à résider séparément de son époux. Elle s’installe alors chez sa mère. Le 29 juin 1921, afin de pouvoir prouver les faits, elle est autorisée à faire appel à des témoins. Le 26 novembre 1921, une enquête et contre-enquête ont été ordonnées. Comme vous pouvez le constater la procédure demeure la même que celle décrite pour le XVIIIe siècle : une requête, l’audition des témoins, une enquête et une contre-enquête et le jugement. Ces enquêtes ont permis de certifier que la vie commune pour mon arrière grand-tante était devenue impossible. Fernand Louge apparaît comme violent et tyrannique. Dès le jour de leur mariage, il lui donne une gifle. Quelques mois plus tard, il lui meurtrit les poignets. Dépensier et ivrogne, il imagine à tort que sa femme à des amants et injurie ses belles-sœurs. Les propos de Fernand ne sont pas retenus car les témoins ont été très maladroits et n’étaient autres que son père et sa mère. C’est pour toutes ces raisons qu’elle décide de demander le divorce. Elle ne l’obtiendra que le 23 février 1922. Fernand devra lui payer une pension alimentaire de 60 francs chaque moi. Le tribunal le condamne également à payer « tous les dépens ». Le tribunal ordonne également la « liquidation et le partage de la communauté ayant existé entre eux ». Il s’agit de régler le partage des biens et des dettes du couple qu’il a accumulé durant l’année de vie commune. Les liquidations seront surveillées par des notaires.


Cette histoire fait terriblement écho à un thème toujours d’actualité des violences faites aux femmes. Le Grenelle des violences conjugales a été lancé le 3 septembre 2019, car aujourd’hui une femme meurt tous les deux jours sous les coups de son compagnon. Ce débat réunit différents acteurs : parlementaires, ministres, victimes et familles, associations, médias etc…Il sera clôturé aujourd’hui 25 novembre 2019. Une date importante puisqu’il s’agit de la journée internationale contre la violence à l’égard des femmes. Le gouvernement dévoilera les mesures qui seront prises pour lutter contre les féminicides afin de prévenir, protéger et punir. Le gouvernement avait déjà pris 10 mesures dès le mois de septembre, notamment sur l’hébergement et l’accueil dans les commissariats. Je termine là ma parenthèse pour revenir à mes deux protagonistes.


Pour autant Gabrielle et Andrée n’ont pas perdu espoir en l’amour puisque toutes les deux se sont remariées. Je vous invite à lire mon article qui traite de la question des remariages.


Andrée pourra se remarier aussitôt après la transcription du jugement si toutefois il s’est écoulé 300 jours. Gabrielle Célina Labbé se remarie 6 ans après son divorce avec Louis René Marcellin. Il a 13 ans de moins qu’elle et il est lui aussi divorcé. Une ancêtre cougar, pourquoi pas ?!


Andrée Gabrielle Azéma attend 1 an et 4 mois après son divorce pour se marier avec Henri Bouffard, un homme célibataire. Il a 6 ans de moins qu’elle. Toutes les deux préfèrent les hommes plus jeunes.


Mais cet héritage sentimental douloureux ne s’arrête pas là puisque la génération suivante est touchée. Le petit-fils de Gabrielle Céliné Labbé divorce à son tour. René Bouffard, le fils d’Andrée Gabrielle Azéma qui était né prématurément se marie le 20 décembre 1951 et divorce le 27 juin 1957.

René Bouffard et sa femme


Cette fois-ci c’est la femme qui a préféré quitter le domicile conjugal pour aller vivre sa vie. Pour lui cette rupture a été très douloureuse. Il l’aimait profondément. Il ne l’a jamais surmonté. Il est resté célibataire pour le reste de sa vie.


Comme vous avez pu le voir ces divorces sont prononcés en fonction des différentes fautes des époux (abandon de domicile, adultère, injures, sévices ou mauvais traitements). Il y a donc un coupable et une victime.


Durant le régime de Vichy (à partir de 1941), le divorce est interdit aux jeunes couples. Il faut être marié depuis plus de 3 ans. Andrée Gabrielle Azéma n’aurait jamais pu divorcer à cette époque puisqu’un an après son mariage elle a demandé le divorce.


Le divorce par consentement mutuel ne sera permis qu’en 1975 par une loi promulguée par Valéry Giscard d’Estaing.


Et vous, avez-vous des ancêtres qui ont divorcé ? En connaissez-vous les raisons ?


Edition d’Ophélie

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1 Comment


Christelle Gomes
Christelle Gomes
Nov 25, 2019

Un article passionnant et bien d'actualité en effet. J'ai quelques cas de divorce également dans mon arbre, avec aussi une lignée qui se démarque des autres...

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