Parmi mes ancêtres, plusieurs ont été propriétaires terriens. Des hommes c'est certain... Mais aussi des femmes. N'allez pas croire qu'ils étaient fortunés pour autant, régnant comme des nobles sur leurs terres. Que nenni ! Ces hommes et ces femmes étaient pour la plupart des cultivateurs, des paysans en somme. Mais des cultivateurs propriétaires de leurs terres. Ils faisaient ainsi partis de la classe supérieure de la paysannerie, comme peuvent l'être les laboureurs. J'ai assez souvent abordé les métiers de la terre pendant ce Challenge, une grande partie de mes ancêtres maternels travaillant dans le milieu agricole... Vous pouvez retrouver les explications et définitions dans certains de mes articles précédents, comme le B (pour les bordiers), le C (pour les cultivateurs, laboureurs et ouvriers agricoles) ou encore le M (pour les ménagers).
Mais revenons à nos moutons. Des femmes propriétaires donc. Elles m'ont chacune permis d'aborder la propriété par les femmes d'une manière différente, suivant l'époque et leur statut marital.
Que je vous en présente quelques-unes :
Marie LEGER par exemple. Nous sommes alors à Chevanceaux, en Charente Maritime, en 1901. Du haut de ses 43 ans, Marie est mère de famille et vit avec son époux, Firmin PAILLER et sa fille Marie Eveline, âgée de 18 ans. Tous trois sont propriétaires et travaillent certainement en famille. Dix ans plus tard en 1911, Marie Eveline a quitté le foyer parental comme sa soeur Angéline avant elle, mais un petit nouveau a fait son apparition. Abel VERDON, le petit-fils de Firmin et Marie, âgé de 5 ans, habite avec eux. Abel est le fils aîné de leur fille Marie (qui n'est autre je pense que Marie Eveline) et de son époux Sylvain VERDON. Le couple habite à Chepniers, à une dizaine de kilomètres de là, avec leurs autres enfants René, Maurice et Yvette. Seul Abel vit avec ses grands-parents. Peut-être Marie et Sylvain ne gagnent-ils pas assez avec le seul salaire de cultivateur de Sylvain ? Toujours est-il qu'Abel finira par rentrer chez lui, puisque lorsque les enfants sont adoptés par la Nation en 1920 (suite au décès de leur père lié à la guerre), Abel vit alors avec sa mère, ses frères et sa sœur.
Mais revenons en 1911, lorsqu'Abel vit encore chez ses grands-parents, Firmin et Marie. Firmin exerce alors le métier de cultivateur. Il est toujours propriétaire de ses terres et est son propre patron. Marie elle, ne travaille plus. Dans un tel cas, on peut alors penser que Marie travaille en fait la terre en soutien de son mari si besoin mais pas de façon continue.
Marguerite ALLAIN est un peu dans le même cas que Marie LEGER. Nous sommes là aussi en 1901, Marguerite a elle aussi une quarantaine d'années. Seul le lieu change puisque nous sommes à présent à Saint-Christoly-de-Blaye en Gironde. Marguerite vit avec son mari, Jean JOYEUX et leurs enfants, Marie 18 ans, Marie 14 ans et Anselme 11 ans. Tous travaillent aux champs et cultivent les terres qui leur appartiennent, tout en étant leurs propres patrons. Là encore, on travaille en famille.
Marie SIMON est âgée de 17 ans lorsqu'elle accouche de son premier enfant, une fille prénommée Auzanne (son prénom s'écrit de différentes façons : Auzane, Ozanne ou encore Suzanne). Elle habite alors avec son époux Pierre BORDRON (ou BORDERON) en Charente, à Bors-deBaignes. Pierre est propriétaire cultivateur et il sait signer, d'une très belle écriture très soignée. La profession de Marie demeure quant à elle un mystère, ce qui ne veut pas dire pour autant qu'elle ne travaille pas. Nous sommes alors en 1836. Rapidement, Pierre puis Jean viennent agrandir la famille. Puis c'est au tour de Mélanie de venir au monde, des années plus tard en décembre 1854. Marie est à ce moment là notée sans profession. Les années passent et Marie, Pierre et leur enfants partagent leur foyer avec le père de Pierre (qui se prénomme également Pierre) ainsi qu'avec une jeune domestique.
Les deux Pierre, père et fils, sont tous deux propriétaires, comme le sera d'ailleurs le "troisième" Pierre (le fils de Marie et Pierre). Marie elle, apparaît en tant que "sa femme" et aucun métier n'est noté la concernant, et ce pendant des années. Aucune mention non plus la désignant propriétaire de quoi que ce soit. Il faut attendre bien des années après le décès de son époux, alors qu'elle vit chez son fils et sa famille, pour que Marie soit enfin mentionnée comme étant propriétaire.
Autre exemple, celui de Louise THIBAULT, en 1866. Agée de 74 ans, Louise est veuve et vit seule à Antigny, en Vendée. Elle est propriétaire et ses terres n'appartiennent qu'à elle. Pas de mari de qui elle pourrait dépendre, elle gère seule ses biens au contraire de Marie LEGER, de Marguerite ALLAIN ou de Marie SIMON.
En réalité, la situation qui apparaît la plus "enviable" pour les femmes de cette époque est celle du veuvage. Du moins c'est celle où les femmes sont le plus libre. Elles ne dépendent alors ni d'un père, ni d'un mari et ne sont pas mal vues, comme peuvent l'être les femmes seules non mariées.
Allez, un dernier exemple pour la route. Celui de Rosalie MALAIS. Rosalie, je vous en ai déjà parlé dans un article concernant sa fille, Antoinette et très brièvement dans le C de ce challenge.
Lorsque Rosalie épouse Augustin AUGUSTE le 9 juin 1863, elle est déjà propriétaire des terres qu'elle cultive et n'a pas attendu son mari, lui aussi propriétaire, pour posséder son domaine. Tout comme leurs parents, les jeunes époux ont donc tous deux des terres et ont parfois pour les aider domestiques et servantes.
Ensemble, ils ont plusieurs enfants. Moins d'un an après leur mariage, le 26 avril 1864, Rosalie donne naissance à un fils, Auguste.
Les années passent et le 2 août 1867, le petit Auguste devient grand frère avec la venue au monde de François. Pourtant, une ombre au tableau vient gâcher le bonheur de la famille : le petit garçon est sourd et muet de naissance. Et malheureusement, il ne sera pas le seul. Si le 15 février 1870 c'est un bébé en parfaite santé criant à plein poumons qui pointe le bout de son nez - une fille, la première de la fratrie, répondant au doux nom d'Antoinette - il n'en est pas de même pour ses cadets. Eugénie, née le 12 novembre 1871 et Alexis, né le 25 octobre 1873, sont tous deux sourds et muets, comme leur grand frère François. Ils meurent malheureusement tous deux assez jeunes, avant même leurs parents, Eugénie à 32 ans et Alexis à 26 ans.
Rosalie met encore au monde trois enfants dans les années qui suivent : Marie, le 5 avril 1876, Marguerite (dont la date de naissance reste encore un mystère) et enfin Adrien, le petit dernier, châtain/blond aux yeux bleus, né le 23 octobre 1882, soit 18 ans après l'aîné de la fratrie. Durant toutes ses années, le couple et leurs enfants habitent La Noue à Saint-Maurice-des-Noues en Vendée. Ils cultivent leurs terres et je suppose qu'ils doivent vivre plutôt aisément. Ils sont instruits, savent lire et écrire et à partir de 1881, ils sont même "dits Marquis". En 1901 ils sont d'ailleurs directement désignés par Marquis comme nom de famille et non plus AUGUSTE.
Chose curieuse, il semble qu'Augustin, le mari de Rosalie ne soit pas toujours présent à la maison. Ainsi, en 1886, alors que Rosalie est ménagère et élève ses enfants, elle apparaît en tant que chef de ménage dans un foyer où il n'y a aucune trace d'Augustin. Elle n'est pour autant pas seule, son aîné Auguste et Théophile JOUBERT, un jeune domestique cultivateur de 19 ans, étant présents à ses côtés pour travailler aux champs.
En 1891, Augustin est à nouveau bien présent au sein de son foyer et a repris son statut de chef de famille. Avec son aîné Augustin, ils exercent le métier de cultivateur, pendant que son épouse et ses filles Eugénie et Marie sont ménagères. Malgré ses 24 ans, François lui ne travaille pas, tout comme Alexis, âgé de 23 ans (peut-être à cause de leur handicap ?). Antoinette est partie de la maison et Marguerite et Adrien sont eux sûrement encore trop jeunes (10 ans et 7 ans) pour rejoindre les aînés aux champs.
Une fois n'est pas coutume, Augustin disparaît à nouveau en 1896. Rosalie est encore une fois chef de ménage. Propriétaire, c'est elle qui gère la maisonnée, les terres et les enfants, qui tous, mis à part Augustin qui est propriétaire également, et Antoinette qui est mariée depuis 1894 et a quitté la maison, sont sans profession.
En 1901, Auguste et Rosalie sont présents au mariage de leur fille Marie au mois de juin puis à celui de leur aîné Auguste en août de la même année. Le couple exerce toujours la profession de cultivateurs et est toujours propriétaire.
Rosalie prend ainsi le chemin des champs tous les matins, allant cultiver ses terres jours après jours, jusqu'à son décès, le 12 mai 1910. Elle a alors 69 ans, et vit toujours à La Noue, à Saint-Maurice-des-Noues. Auguste, son époux, est à priori toujours en vie, aucune mention d'un éventuel décès n'apparaissant.
Et vous, avez-vous des propriétaires parmi vos ancêtres ? Edition d'Emilie
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